La victoire des étudiants, à la suite du Printemps érable, a montré la véritable force des masses dans l’action, par la mobilisation générale. Alors que le mouvement étudiant qui était entré de plein fouet dans l’arène politique s’est quelque peu apaisé depuis quelques mois, voilà que se consolident de nouvelles vagues de contestations, en réponse aux mesures d’austérité qu’imposent les gouvernements. Non seulement s’est constitué dans les dernières semaines le mouvement «Idle No More,» mais des travailleurs et des communautés entières de l’est du Canada s’organisent pour livrer une bataille acharnée contre la réforme de l’assurance-emploi du gouvernement conservateur.

Entrée en vigueur le 6 janvier dernier, la réforme de l’assurance-emploi applique de nouvelles modalités concernant les prestataires, ce qui n’est pas sans amener de lourdes conséquences pour eux. D’abord, les prestataires sont divisés en trois catégories, c’est-à-dire les travailleurs de longue date, les prestataires occasionnels et les prestataires fréquents. Les travailleurs de longue date sont ceux qui ont cotisé à la caisse d’assurance-emploi pendant 7 des 10 dernières années et qui ont reçu moins de 36 semaines de prestations, pendant les 5 dernières années. Quant à eux, les prestataires fréquents sont les gens qui ont déposé au moins 3 demandes de chômage, lors de 5 dernières années et qui ont touché plus de 60 semaines de prestations. Les gens ne faisant pas partie de ces 2 catégories sont considérés comme des prestataires occasionnels.

Selon cette catégorisation des chômeurs, les exigences demandées aux travailleurs prestataires d’assurance-emploi sont alourdies et tendent à accentuer leur précarité économique. La réforme force dorénavant les travailleurs à accepter des diminutions salariales considérables, au grand bonheur des capitalistes. Après une période de temps variant selon leur catégorie respective, les prestataires se doivent d’accepter des emplois malgré une diminution salariale de l’ordre de 20 %. Pour les prestataires fréquents, la situation est encore pire, car ils devront accepter un emploi qui leur assure 70 % du salaire qu’ils touchaient auparavant, et ce, dans un rayon d’une heure de leur résidence. Comme si ces mesures n’étaient pas assez draconiennes pour les travailleurs, les emplois qu’ils doivent accepter ne sont pas forcément reliés à celles qu’ils occupaient précédemment.

La réforme est encore plus alarmante dans un contexte économique qui place de plus en plus de travailleurs dans une situation d’instabilité économique, comme en témoigne le nombre grandissant d’employés à temps partiel. En effet, comme ces conditions d’emplois sont plus fréquentes ces dernières années, le nombre d’heures de travail pour pouvoir se qualifier à l’assurance-emploi est plus difficile à atteindre. D’ailleurs, ce sont encore les femmes qui occupent le plus fréquemment ce type d’emploi. Dans ce cas, la réforme de l’assurance-emploi est un frein à leur émancipation.

Dans le tumulte de la nouvelle politique conservatrice, les gens les plus affectés par la réforme du gouvernement Harper sont inévitablement les travailleurs saisonniers des régions qui constituent, selon ce que rapporte le Conseil national des chômeurs et chômeuses, 27 % des demandes de prestations au Canada. Ces travailleurs sont principalement situés dans l’est du Canada, alors qu’ils représentent 40 % des chômeurs au Québec et rien de moins qu’un chômeur sur deux au Nouveau-Brunswick et à Terre-Neuve. Évidemment, ces travailleurs sont ceux qui composent principalement la catégorie des prestataires fréquents. Lorsque les secteurs économiques, dans lesquels ils œuvrent cessent leurs activités pour la saison, ils n’ont d’autres choix que d’avoir recours à l’assurance-emploi. De ce fait, ce n’est rien de moins qu’une bassesse idéologique que de s’attaquer à ces travailleurs.

La crise économique de 2008 a ébranlé le capitalisme, et dans ce contexte actuel, les gouvernements du patronat ne peuvent offrir d’autres solutions qu’aligner une après l’autre de nombreuses mesures d’austérité, pour éponger les dettes excessives. Inévitablement, quelqu’un doit payer pour cette crise et c’est présentement ce à quoi s’occupent les gouvernements, en faisant payer aux travailleurs une crise qui a été commise par les banquiers, les capitalistes et les dirigeants.

En coupant les prestations de chômage, le gouvernement Harper s’assure un surplus dans la caisse d’assurance-emploi à laquelle cotise l’ensemble des travailleurs. Par la suite, il pourra piger allègrement pour éponger la dette du pays. Un tel geste des conservateurs n’est pas surprenant puisqu’en 2008 ils avaient utilisé 57 milliards de dollars de la caisse d’assurance-emploi pour éponger la dette, ce que le NPD avait décrié à l’époque. Tout porte à croire que ce n’était que le début d’attaques répétées contre les travailleurs.

Un second motif s’offre également aux patrons pour couper les prestations d’assurance-emploi. En effet, le marasme économique qui fait diminuer le profit des capitalistes canadiens les force à reprendre les concessions que la classe ouvrière a gagnées au fil du temps, grâce à sa combativité. En légitimant des diminutions salariales de l’ordre de 30%, les capitalistes s’assurent la disponibilité d’une main-d’œuvre peu coûteuse, accentuant ainsi leurs profits.

C’est dans l’optique d’inciter les gens à trouver du travail que les conservateurs ont mis sur pied cette réforme, mais sous le capitalisme, le chômage est phénomène inévitable. Cherchant à tirer un profit maximal au sein du processus de production, les capitalistes engagent le moins de travailleurs possible et leur demandent d’exécuter le plus de travail possible. Ainsi, un certain nombre de gens restent sans travail et constitue ce que Karl Marx appelait une armée industrielle de réserve. En gardant à l’écart de la production certains travailleurs et en maintenant une concurrence entre eux, le capitaliste déprécie les salaires. Le capitaliste peut également utiliser cette armée de réserve, lorsqu’il a besoin de main-d’œuvre. Pourtant, le travail doit être un droit pour chaque individu. Pour y arriver, il faut absolument un plan économique qui permettra de séparer le travail selon la main-d’œuvre disponible et non selon l’anarchie du marché.

Cette réforme sous fond d’austérité oblige les travailleurs à combattre de nouveau contre le capitalisme. Pour que le mouvement contre la réforme de l’assurance-emploi prenne de l’ampleur et triomphe, il faut avant tout que les travailleurs saisonniers qui sont présentement au cœur du mouvement mobilisent l’ensemble des travailleurs syndiqués et non syndiqués. Tandis que les protestations se déroulent dans plusieurs régions des maritimes, une coordination doit s’installer pour structurer la lutte et se rapprocher d’une victoire. De plus, il est nécessaire que les travailleurs utilisent leurs organisations ouvrières, c’est-à-dire les centrales syndicales, Québec solidaire et le Nouveau parti démocratique, et qu’ils fassent pression sur les dirigeants pour un front commun contre la réforme de l’assurance chômage et contre toutes les autres mesures d’austérité accentuant la précarité des travailleurs.

Sous le capitalisme, les concessions que les patrons font aux travailleurs ne sont jamais assurées. Elles sont constamment menacées et particulièrement en temps de crise où les capitalistes cherchent à les reprendre par n’importe quel moyen. Comme l’a montré la grève étudiante, la mobilisation de masse est la seule solution pour empêcher les représentants du patronat de passer son programme d’austérité. L’assurance-emploi est le résultat de luttes majeures livrées par la classe ouvrière et en s’y attaquant, les conservateurs trouveront sur leur chemin des masses de travailleurs et des communautés en colère.

Imprimer en janvier 2013