La récente campagne de syndicalisation des entrepôts d’Amazon aux États-Unis est une source d’inspiration et connaît un écho au Canada. Au Québec, une campagne de syndicalisation a été entamée par la CSN au centre de distribution de Lachine. En Ontario, on pouvait apercevoir des représentants syndicaux des Teamsters donnant des pamphlets à l’entrée des installations à Cambridge, London, Milton et Kitchener. En Alberta, la section locale 362 des Teamsters tente pour une seconde fois de syndiquer l’entrepôt de Nisku, dans la banlieue d’Edmonton. Ces efforts viennent rappeler l’urgence de syndiquer les non-syndiqués.

Amazon s’est forgé une réputation en imposant à ses employés un rythme de travail effréné, les menaçant même de les congédier s’ils prennent du retard. Les travailleurs se sont plaints à maintes reprises que cette cadence de travail les poussait à négliger leur sécurité, particulièrement durant la pandémie.

L’entrepôt de Nisku a été un foyer d’infection à la COVID-19. Le gouvernement conservateur de l’Alberta a empêché la fermeture de ce foyer d’éclosion en le déclarant comme « essentiel ». Ces travailleurs dont la santé a été mise en jeu pour les profits d’Amazon ont toutes les raisons de se syndiquer. 

Bien évidemment, les efforts de syndicalisation déplaisent énormément à la direction d’Amazon. L’entreprise a eu recours à plusieurs tactiques antisyndicales. Elle a notamment organisé des rencontres individuelles avec les travailleurs pour les décourager de se syndiquer. Elle a envoyé des messages textes à tous les employés affirmant que le syndicat allait leur retirer leurs avantages sociaux. De plus, à l’entrepôt de Lachine, l’entreprise a consacré son « infolettre » à l’attention des employés pour le mois de mai aux efforts de syndicalisation, une pratique que la CSN qualifie d’illégale. 

De plus, lors d’une première tentative de syndicalisation à Nisku l’an dernier, Amazon avait artificiellement gonflé la liste des employés en y inscrivant des travailleurs ayant quitté leur emploi depuis des mois. Cette manœuvre avait empêché le syndicat d’atteindre le seuil de 40% de signature de cartes et fait échouer la syndicalisation.

Pour dissuader les travailleurs au Canada de se syndiquer, Amazon a récemment augmenté les salaires de départ de 16 à 17 dollars de l’heure. Pourtant, les salaires des travailleurs d’Amazon, qui oscillent entre 17 et 19 dollars l’heure, restent bien en dessous de la moyenne de 25 à 30 dollars que reçoivent les travailleurs d’entrepôts syndiqués. Cela est d’autant plus révoltant sachant que la compagnie a engrangé des profits records de 89 milliards de dollars US durant la pandémie, soit une hausse de 40% de son chiffre d’affaires.

Syndiquer les non-syndiqués

Ces efforts au Canada et au Québec proviennent de l’impulsion donnée par la réussite de la campagne de syndicalisation de l’entrepôt Amazon de Staten Island, dans l’État de New York, menée par le syndicat indépendant Amazon Labor Union (ALU). Cette victoire de David contre Goliath a déclenché une vague d’inspiration à travers le monde, et a montré à des millions de travailleurs qu’il est possible de tenir tête au patronat. 

La syndicalisation des entrepôts d’Amazon, loin d’être un incident isolé, s’inscrit dans un mouvement général de réveil de la classe ouvrière entamé aux États-Unis. Poussés par l’inflation, les travailleurs américains commencent à s’organiser collectivement pour défendre leur niveau de vie. Le nombre croissant de cafés Starbucks qui rejoignent le syndicat SBWorkersUnited le montre très bien. Des travailleurs d’autres grosses compagnies comme Apple, Target ou Trader Joe’s mènent aussi des efforts de syndicalisation. En octobre 2021, plus de 100 000 travailleurs à travers les États-Unis ont voté pour la grève sous le slogan #striketober

Au Canada et au Québec, le front syndical est plus lent à entrer en action. Les efforts de syndicalisation d’Amazon au Québec et au Canada sont un bon début, mais ils représentent l’exception plutôt que la règle. Les grandes centrales syndicales ont depuis longtemps réduit au minimum leurs efforts pour syndiquer les non-syndiqués, particulièrement dans le secteur des services, prétendument à cause du taux de roulement élevé, du jeune âge des travailleurs ou encore des manœuvres antisyndicales des patrons. 

En conséquence, le taux de syndicalisation diminue depuis des décennies. Si la situation n’est pas aussi grave qu’aux États-Unis, où 10,3% des travailleurs sont syndiqués, le taux de syndicalisation au Canada est passé de 37,6% en 1981 à 30,9% en 2021. 

Pourtant, il est crucial d’organiser les travailleurs en syndicats. Comme disait Marx, sans organisation, les travailleurs ne sont que matière brute pour l’exploitation. Une classe ouvrière syndiquée est plus forte et mieux à même de résister aux assauts du patronat contre son niveau de vie. La prise de conscience par les travailleurs de leurs intérêts communs et opposés à ceux du patron, et de la nécessité de s’unir pour les défendre, représente la première étape dans le développement d’une conscience révolutionnaire. Les grands syndicats possèdent d’immenses ressources qui devraient être consacrées à syndiquer les larges couches de travailleurs non syndiqués.  

Lutter pour gagner

Pour y arriver, les grandes centrales syndicales du Québec et du Canada devraient suivre l’exemple inspirant de l’ALU. Cette victoire n’est pas sortie de nulle part. La campagne à Staten Island a fonctionné parce qu’elle a inspiré les travailleurs et les a convaincus de se mobiliser. L’ALU a lié sa campagne à des revendications concrètes capables d’améliorer réellement le sort des travailleurs : un salaire de 30 dollars l’heure, deux pauses de 30 minutes payées et une heure de dîner payée. C’est une leçon importante pour les campagnes menées ici par la CSN et les Teamsters. Les travailleurs ne rejoindront pas un syndicat sans perspective de remporter des améliorations réelles. 

L’exemple de jeunes syndicats comme l’ALU est inspirant, mais ce sont les gros syndicats qui ont les ressources et les effectifs nécessaires pour défendre les travailleurs contre les attaques du patronat. Pour mobiliser le potentiel immense de la classe ouvrière, les grandes centrales doivent leur emboîter le pas.

VICTOIRE AUX TRAVAILLEURS D’AMAZON!

POUR UN SYNDICALISME DE COMBAT!